Ces derniers jours je me suis souvent demandé s’il
fallait un courage particulier pour se lancer comme auto-entrepreneur au
Sénégal. Je parle ici de se lancer avec un véritable projet personnel que l’on
a mûrit et en lequel on croit.
Et je me pose la question du courage car je me suis
rendue compte que la société sénégalaise valorise généralement une seule
approche pour les personnes qui ont fait "les bancs" (école/fac)
comme ils disent ici : trouver un travail rémunéré, avec une prise en
charge médicale et attendre sa retraite sans faire de vague.
Déjà quand tu changes d’entreprise parce que tu as
trouvé une nouvelle position ailleurs offrant de meilleures perspectives, tu es
jugé pour ton attitude inconsidérée "tu aurais pu
rester pourtant. Est-ce que tu sais ce que tu vas trouver dans cette nouvelle
boite ? Peut être que ça sera pire".
Dans ces conditions, tu peux facilement imaginer ce
qui se passe quand tu décides de te lancer à ton compte ! Même si les
raisons de se lancer sont multiples, la réaction est toujours la même : aux
yeux de la société, tu as tort de quitter ton emploi même si tu es profondément
insatisfait "on travaille pour vivre. Pas pour s’épanouir ! ».
L’histoire de ces deux jeunes hommes que j’ai
croisés il y a plusieurs années est assez représentative des limites que nous posent notre société. Ces deux jeunes hommes (le
1er sénégalais et le 2nd sénégalais d’origine libanaise)
donc avaient une même passion : la cuisine (pâtisserie).
Lorsque le 1er (sénégalais je rappelle) en a parlé à ses parents, la réponse a été immédiate
"Pâtisserie jaam ! Ana goor ak
togueu[1] ?
Tu vas faire comme tout le monde : passer ton bac et aller à l’université
ensuite ! Comme ça tu pourras trouver un bon travail après. Pâtisserie ???
Pffffff". Résultat : il n’est pas allé à l’université après
son bac (il détestait ça) et il a été
malheureux de sa vie pendant longtemps.
La réponse des parents du 2nd ?
"D’accord. Passe ton bac d’abord et
on t’enverra dans une école de pâtisserie, si c’est ce que tu veux faire".
C’est ce qu’il voulait faire. Ses parents l’ont donc envoyé faire une école de
pâtisserie en France et il a ouvert son enseigne (qui fait de supers bon gâteaux) à son retour à Dakar.
D’un côté, on a donc une famille qui préfère que son
fils entre dans le moule même s’il est malheureux ("l’épanouissement
là c’est des histoires de toubabs" te diront ils) et de l’autre
on en a une qui réfléchit avec son fils sur la manière de lui permettre
de vivre de sa passion.
Tout ça pour dire que contrairement aux cultures
anglo-saxonnes, la société sénégalaise valorise plus les diplômes que la
réalisation personnelle (vous avez vu
comment les personnes diplômées au Sénégal (même si elles ont un simple travail
d’employé mal payé) se sentent supérieures aux baol-baols, qui pourtant ont
l’économie sénégalaise entre leurs mains ?)… Sûrement un héritage de
la colonisation française.
Du coup on ne nous encourage pas à être
entreprenant (chez nous on appelle ça être
turbulent) lorsqu’on est jeune mais plutôt à nous conformer à ce que la
société attend de nous. La peur de ne pas être conforme à l’image que la
société attend de nous (c’est trèèès
important l’image au Sénégal) annihile toute velléité de se démarquer (autrement que par de bonnes notes en classe).
Depuis 2 ans, j’ai croisé la route de nombreux jeunes,
talentueux, avec de supers idées ou des projets qui leur tenaient à cœur. Mais
qui ne se sont pas lancés car leur entourage les avait convaincu qu’il était
plus sûr de trouver un petit travail tranquille, payé correctement (ils pourront toujours gravir les échelons
avec le temps) au lieu de se lancer dans un projet qui ne marchera
peut-être pas "tu pourras
toujours le faire une fois que tu seras stable professionnellement"
(sauf que non, une fois qu’on est pris
dans la routine, on s’englue).
Heureusement les mentalités changent petit à petit
et on trouve de plus en plus de structures (entrepreneurs, écoles de
formation…) qui mettent en place des incubateurs ou des dispositifs permettant
d’encadrer et d’accompagner tous ces jeunes qui veulent vivre leur vie selon
leur idée.
Et j’ai bon espoir que l’on est sur la bonne voie
pour développer l’esprit d’entreprise sénégalais !
Après tout, c’est une condition sine qua none si on
veut vraiment développer notre fameux PSE (Plan Sénégal Emergent) qui est sur toutes les
lèvres aujourd’hui mais qui ne pourra réussir qu’avec l’implication et le
concours effectif et actif de tous.
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