mardi 9 décembre 2014

La vie trépidante des policiers au Sénégal

Salut Cher ami Lecteur, 

Je sais, j'avais dit que je postais tous les samedis, mais il faut que je te raconte une histoire qui m'est arrivée et qui me fait bien rire depuis, à chaque fois que j’y pense. 

Il y a quelques temps, je me suis fait percutée (ma voiture, pas moi) par un conducteur du dimanche pick up et j'ai décidé de faire un constat. 


Non, ne t'inquiète pas, je ne te raconterai pas l'histoire de l'accident, ni du constat (même si ça vaut également le déplacement... vu que toutes mes aventures du quotidien se transforment généralement en vaudeville)

Pour en revenir à mon histoire donc, comme pour tout constat, j'ai dû me rendre au bureau des constats (au commissariat central de Dakar) pour raconter ma version de l'histoire. Et sur place, je suis témoin d'une scène, qui n’a rien à envier au meilleur classique de Louis de Funes. 

Sur place, je trouve deux protagonistes qui sont là pour un constat (oui, je sais, c’est le bureau des constats) : le jeune homme - qu'on appellera Rastafari - a pris un sens interdit avec son vélo et a heurté la voiture d'une dame (Madame). Lorsque Madame est descendue pour s'expliquer avec Rasta, ce dernier lui a rétorqué "waye[1] merde !" (pardon pour le gros mot).

La dame voit évidemment rouge et lui balance son sac (sûrement aussi lourd que le mien - entre 1.5 et 2 kg en moyenne - d'après ce que j'ai vu) à la tête.

Là c'est Rasta qui voit rouge et qui ramasse une grosse pierre, pour assommer la dame ou casser la voiture, on ne le saura jamais... car le sénégalais étant un preux chevalier toujours prompt à voler au secours d'une femme en détresse, tous les témoins de la scène se sont jetés sur Rasta avant qu’il ne commette l’irréparable, et tout ce beau monde (Madame, Rasta, témoins, voiture, vélo) s’est retrouvé à la police (super ambiance).

Arrivés à la police, les différents protagonistes sont entendus par le Chef de Brigade. Au cours de l’entretien, Rasta se dresse brusquement devant ce même Chef de Brigade, qui vient de lui faire une remarque, pour lui rétorquer vertement "ce n'est pas vrai !". Le Chef de Brigade voit rouge (ça devait être la couleur du jour), monte s'enfermer dans son bureau (bouder tranquille ?), non sans avoir demandé qu'on saisisse le vélo de Rasta à qui il est demandé de payer une amende de 6 000 FCFA, s'il veut récupérer son bien.

Et c'est là que l'histoire devient surréaliste :
Rasta, qui bien sûr n'a pas un kopek, exige de Madame qu'elle paie les 6 000 FCFA pour qu'il récupère son vélo ce que, bien entendu, elle refuse tout net... et donc menaces de Rasta... et retour de Madame à l'intérieur, qui crie :
   Madame : "Vous voyez, néna[2] si je ne paie pas les 6 000 FCFA il va me tuer ! Mane nak[3] je ne joue pas à ça (perso je me suis demandée à quoi elle joue mais bon, passons...). De toute façon je ne paye rien du tout" (et toc !)
   Rasta (qui a pris soin de rester à l’extérieur du bureau (on ne sait jamais avec les policiers) et qui s’exprime par la fenêtre qui donne sur la rue) : "C'est faux, je n'ai pas dit que j'allais la tuer, j'ai dit qu'elle allait le payer cher, c’est différent. En tout cas, elle va payer parce que moi je n'ai pas 6 000 FCFA et je veux mon vélo..."

Rasta fini quand même par se calmer et s’éloigne, après que les policiers aient menacé de le mettre au cachot. A ce stade de l’histoire, tout le monde se dit que c’est fini.

Je reviens l’après midi (c’est Dakar, les constats sont plein de rebondissements aussi) et là, surprise, Rasta est là : il revendique ses droits de citoyen et entend porter plainte pour le traitement inhumain (saisie de son vélo, amende de 6 000 FCFA, menaces de cachot, etc.) dont il est l’objet. Il demande donc aux policiers, qui l’ont traité de façon si inhumaine, où il doit aller pour porter plainte.

Les policiers qui, tout le monde le sait, sont au service du peuple, l’orientent gentiment vers le service des plaintes, où il fait sa déposition. A la fin de la déposition, on l’informe qu’il doit payer un timbre de 400 FCFA pour l’enregistrement de la plainte.

Rasta, dont la situation financière n’a pas évolué depuis le matin, n’a toujours pas un kopek en poche. Mais il tient à ce que sa plainte soit enregistrée. Il décide donc de se tourner vers les seules connaissances qu’il a dans les parages, c'est-à-dire… les policiers contre qui il porte plainte :
       Rasta : "pardon chef, pouvez vous me prêter 400 FCFA ?"
       Policier : "pour quoi faire ? "
       Rasta : "c’est pour l’enregistrement de la plainte que je suis en train de déposer contre vous"
       Policier (froidement) : "je n’ai pas 400 F"

Du coup la plainte de Rasta n’a pu être enregistrée, mais il a promis aux policiers – qu’il a, de son propre aveu, trouvé vachement mesquin quand même sur ce coup – qu’il allait trouver 400 F, déposer sa plainte et qu’on lui rendrait son vélo !

J’ai trouvé toute l’histoire complètement surréaliste et je ne l’aurais pas cru si je ne l’avais pas vu de mes  yeux.

Après ça, on a évidemment passé 15 mn à disserter sur le mal de Rasta (folie ? alcool ? drogue ? mauvaise éducation ?) mais ce qui m'a épatée, c'est la zen attitude des policiers ; à aucun moment ils n'ont traité Rasta de fou ou de drogué ou ne lui ont demandé s'ils se moquaient d'eux. 

Bon, sur ce, je te dis à samedi (faut pas qu'on change trop nos habitudes quand même).




[1] Eh bien !
[2] Il dit que
[3] Et moi

5 commentaires:

  1. joli!!!! fait du bien une histoire comme çà en rentrant du travail. heureusement que tu ne marches pas sinon on s’ennuierait en milieu de semaine. il y en a qui manque pas de toupet quand même, des vrais énergumène. Tu ( cela te déranges pas j’espère le tutoiement) les enchaines quand même, vaudeville n'est pas de trop.

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    1. Salut Anonymous :-)
      Ravie que mon histoire t'ait plu ; c'est clair que j'ai un quotidien plein de rebondissements (je me demande d'ailleurs si c'est moi qui les attire ou si c'est juste que je fais attention à ce qui se passe autour de moi. Un peu des 2 j'imagine).
      Non ça ne me dérange pas du tout le tutoiement (j'ai commencé la 1ère alors...).

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  2. purée je me suis trop poiler...
    Mamour

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  3. Viiiiiiiiiiiiiitttttttttttte un peu d'air, j'étouffe de rire!!!!
    Sérieusement Gnagna todje nga fii et ce rasta mérite d'être retrouvé pour une explication de texte et la suite de son odyssée surréaliste...
    En tout cas tu peux ajouter une autre compétence dans ton Cv de free lance : celle d'amuseuse publique. Il y a là un filon à creuser. Merci encore pour ce bon moment.
    Amadou

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  4. Rire...
    @ Amadou contente que ça te plaise. Le pire c'est que je ne fais rien pour me retrouver dans ce genre de situation mais c'est à croire que je les attire....
    @ Mamour : tu es vivant !!!!!!!!! Bonne arrivée sur mon blog :)

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Salut Ami Lecteur
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