samedi 1 novembre 2014

Le sens des priorités sénégalais


Il y a quelques jours, en essayant de caler mes (nombreuses) activités dans mon planning, j’ai brusquement réalisé que le mois de novembre démarrait en trombe, avec 2 jours fériés en 4 jours. Et que cela signifiait pour moi 2 journées perdues où je ne pourrais rien programmer en externe, Dakar devenant ville morte les jours chômés (même lorsqu’ils tombent un samedi !).

Pour que vous puissiez bien saisir ma problématique, il faut savoir qu’au Sénégal, il existe 2 phénomènes auxquels on ne prête normalement pas vraiment attention
– après tout, ça a toujours existé – mais qui nous frappe de plein fouet lorsqu’on travaille en free-lance : les fêtes et le rapport sénégalais aux temps.

C’est bien simple : entre les fêtes officielles du calendrier (j’ai compté, il y en a 13 !) et autres obligations sociales et/ou culturelles, les gens sont hors des bureaux 1 jour sur 3 – et moi, je passe mon temps à programmer et reprogrammer rendez-vous et séances de travail. Et comme pour chaque évènement, on s’absente 24 à 48 heures avant pour assurer les préparatifs (les femmes) et jusqu’à une semaine après (selon l’importance de l’évènement… pour la Tabaski, compter 2 semaines) pour récupérer (surtout les hommes…), je vous laisse imaginer à quel point on s’éclate avec la planification…
Les occidentaux se battent pour faire un peu plus de place à la vie personnelle dans la vie professionnelle ? Chez nous le work-life balance penche très nettement côté "life".

Et en plus de jongler avec un calendrier finalement assez capricieux, il faut également faire avec le rapport au temps et aux priorités très particulier de mes chers compatriotes. Et là on se rend compte qu’il y a un qualificatif qui ne s’applique que très rarement au Sénégalais : "stressé" !
Je ne suis pas peu fière de le dire, mais nous avons instinctivement et entièrement fait nôtre une sagesse millénaire consistant à vivre l’instant présent et, surtout, un moment à la fois ! Et si on devait définir les sénégalais en un mot, ce serait "Grawoul"[1].

Le grawoul est une vraie philosophie de vie au Sénégal (sauf lorsqu’on discute football, politique et lutte), et vous réaliserez la force de ce concept le jour où vous vous énerverez parce qu’un travail/dossier/service demandé n’a pas été délivré alors que le délai initialement imparti est écoulé, et que votre interlocuteur vous rétorquera (avec un air de profond étonnement) que "vraiment, est ce que c’est grave ? Pourquoi vous énerver, le travail sera rendu après-demain de toute façon. L’essentiel c’est que ça soit fait non ?"… Huuum !

Mais mon préféré reste quand même les rendez-vous : quand vous fixez un rendez-vous à un sénégalais (éviter les programmations de plus de 24h, au-delà, il zappe), il vous appellera systématiquement à l’heure précise du rendez-vous pour vous demander si celui-ci est toujours confirmé (oui c’est confirmé ; ça l’était déjà hier lorsqu’on a convenu de se retrouver à 11h à l’endroit où je suis déjà en train d’attendre !). Il arrivera évidemment avec 30 minutes de retard (best case scenario), mais pour lui ce ne sera pas bien grave : vous n’avez qu’à décaler votre prochain rendez-vous ou, simplement, arriver en retard. Après tout, si c’est important, l’autre vous attendra !

Alors, en bonne sénégalaise, j’ai fini par intégrer la philosophie du "grawoul", pour ne plus m’énerver sur des situations totalement absurdes et souvent surréalistes, que j’ai d’ailleurs appris à anticiper (ça aide…) : j’évite de prendre plus d’un rendez-vous par demi-journée et j’avance sur mon travail en attendant que mon rendez-vous arrive (je suis devenue une vraie mobile-worker !).

Et je dois avouer que c’est très formateur : j’ai développé une capacité à naviguer dans l’imprévu assez phénoménale, moi qui avais toujours besoin de tout organiser et planifier à la minute près.

Et il n’y a pas à dire, savoir gérer l’imprévu, ça aide pas mal lorsque l’on est entrepreneur !






[1] Ce n’est pas grave

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