Le Concept Sénégalais du Business

Il y a quelques jours, une (vague) connaissance s’est présentée chez moi car elle souhaitait me parler d’un sujet important. Bien sûr, je me dis que ça doit être sérieux et j’invite donc ce monsieur (c’était un monsieur) à s’exprimer, qui me demande tout de go "Comment je fais pour monter un call center ?"

−    Moi (en bonne sénégalaise) : "Tu veux monter un call center ?" (Petite digression : un(e) sénégalais(e) répond TOUJOURS à une question par une question… même si vous lui demandez simplement votre chemin ! Après seulement il (elle) vous indiquera ledit chemin).

−       Lui (le plus sérieusement du monde) : "Je connais un gars qui m’a dit qu’il a monté un call center, il a 19 positions et il gagne 6 000 euros par mois avec ça (humm...). Le gars ne peut pas gagner ça quand même, pendant que moi je suis là (re humm...). Il était tout le temps fauché avant, je l’ai dépanné à plusieurs reprises, je lui ai même donné un jean’s une fois (???). Je ne vois pas comment le gars peur gagner 6 000 euros par mois et pas moi. Donc, j’ai décidé de monté mon propre Call Center. S’il peut le faire, je peux aussi. Weu ![1]"

−        Moi : "…" (j’en suis restée comme deux ronds de flan)

−        Lui : "Et comme je sais que tu es dans le milieu (euh non, pas vraiment non, mais bon…), je veux que tu m’aides à monter mon call center. Voilà !"

Au début, j’avais simplement envie de dire au Monsieur que si c’est comme ça qu’il envisageait le business, il n’arriverait jamais à rien. Puis j’ai réfléchi et j’ai réalisé que c’était un trait (presque) culturel chez nous : quelqu'un fait quelque chose de bien, le voisin voit que ça marche assez bien, il décide de faire la même chose, exactement de la même manière et juste à côté de préférence… "Innover ? Pour quoi faire… si ça marche pour le voisin, je vais faire exactement comme lui, et ça va marcher pour moi aussi".

Et évidemment, on se retrouve dans des situations de concurrences directes, avec une offre largement supérieure à la demande, sur une zone réduite. Résultat : un CA dilué dans la masse de prestataires et un secteur qui ne parvient jamais vraiment de décoller.
Et malheureusement, personne ne se dira jamais (ou alors très rarement) "et si je faisais les choses différemment ou (mieux), autre chose ?". 

Pour en revenir à notre Monsieur, j’ai d’abord essayé de dégager en touche : "Déjà il faut que tu trouves les fonds pour monter ton Call Center + toute la logistique autour. Il faut acheter les machines, les téléphones, avoir les bons logiciels, etc. Si tu veux monter un projet, il faut l’étudier sérieusement, et patati, et patata…"

−      Lui : "Oohoooo, tout ça ce n’est pas grave ! Moi ce que je veux, c’est savoir où je peux trouver les clients pour leur vendre les services du Call Center"

−        Moi : "heeeu, mais tu sais déjà quels types de services tu vas leur proposer ?"

−        Lui : "…" 

Bon, j’en ris maintenant mais j’avoue que sur l’instant, j’étais moyennement amusée. Alors je lui ai donné le seul conseil plein de bon sens qu’il serait en mesure d’entendre "si tu veux vraiment faire comme ton ami (sic), retourne le voir et demande lui comment il a fait et surtout, ce qu’il fait et pour qui. Et après, tu pourras faire tout pareil."

Réponse du gars ? Je vous le donne dans le mille…
"Mais oui, tu as tout à fait raison, c’est ce que je vais faire. Je vais lui demander ce qu’il fait exactement, comme ça je pourrai faire comme lui... Et si ça ne marche pas, j’irai en Afrique du Sud pour devenir prof de français !"

"..."


Morale de l'histoire : il n'y en a pas. J'essaie toujours de me remettre de mes émotions...

Sur ce, Chers Amis, je vous dis à bientôt, en espérant que ce post vous a plu (ou au moins fait sourire) et que vous serez au rendez-vous samedi prochain.

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[1] Interjection sénégalaise que l’on peut traduire par "et toc !" mais qui est un peu utilisée à toutes les sauces, dès que l’on souhaite marquer son point