mardi 26 janvier 2016

Oser demander au travail

Alors j’ai hésité entre deux thématiques pour cette semaine : burn out (vu que j’ai eu un petit accès de « fatigue » il y a une dizaine de jours) ou faire preuve de courage au bureau. Le burn out étant un sujet un peu triste (et très sérieux) quand même, j’ai finalement opté pour « le courage au bureau ».

Pourquoi le courage au bureau ? Tout simplement parce que depuis que j’ai commencé à travailler (ça fait loooonnnngtemps), les gens n’arrêtent pas de venir me voir pour se plaindre. Et bizarrement la conversation varie toujours autour de 2 grandes thématiques.

Variante 1
- Plaignant : "Personne ne travaille dans cette boite, c’est moi qui fait tout le travail et ça fait 3 ans que je n’ai pas pris de congés, mon chef ne voudra pas, il n’y a personne pour faire le travail à part moi. J’en ai marre, je suis épuisé"
- Moi : "ah oui, tu as posé ta demande de congés et on te l’a refusée ?".
- Plaignant : "ben non, je n’ai pas posé de demande (ah ouais, quand même), ça ne sert à rien, je viens de te dire que mon chef ne voudra jamais. Il y a trop de travail dans notre département" (et ça fait 15 ans que j'ai le même type de réponse. Soupir...)

Variante 2
- Plaignant : "Alors là c’est inadmissible ! Tu te rends compte, je viens d’apprendre que Nioxor gagne plus de 850 000 fcfa par mois (variante : a été nommé au poste de Directeur/Responsable/Chef de département/Service qui vient de se libérer) alors qu’il ne fout rien, il est toujours en train de traîner dans les bureaux. 
Et moi, je suis toujours à 560 000 fcfa alors que c’est moi qui fais tout le travail dans cette boite ! Je suis dégouté(e), je vais démissionner (ce qui n’arrivera jamais) ils vont comprendre quand leur boite fera faillite (ce qui n’arrivera jamais non plus, en tout cas pas du fait du départ de super-agent)"
- Moi : "mais tu es allé voir ton Responsable/les RH/Big Boss (c’est souvent BB qui décide de tout dans les entreprises sénégalaises) pour parler de ton salaire/demander une augmentation ?".
- Plaignant : "Non, mais ils savent que je fais tout le travail ici, c’est à eux de m’appeler pour me proposer une augmentation ! Puisque c’est ça sakh[1] moi je ne fais plus rien" (syndrome du « sans moi, l’entreprise ne peut pas tourner »)





Donc, au bout de 15 ans de ce type de conversation, je me suis dit que je tenais peut être un thème là ! Parce que je suis persuadée que toi aussi tu sens quelques fois (souvent) que ta valeur au travail est sous-évaluée et que ta hiérarchie n’apprécie pas suffisamment (financièrement parlant) tes efforts.

Je pense donc qu’il est temps qu’on éclaircisse quelques points, avant que tu n’ailles réclamer (ce que tu estimes être) « ton dû ».


1.      Non ton patron ne lit dans ton esprit
Pour une raison que j’ignore, quasiment tous les êtres humains (dont toi Cher AL, reconnais le) sont persuadés que tous les autres (parents, famille, patron…) savent précisément ce qu’ils pensent ou ressentent, ce qui crée souvent des frictions quand ils n’agissent pas en fonction de ce qu’on attend/désire/veut... (ceux qui sont déjà passé totalement à côté avec le cadeau d'anniversaire d'un proche savent de quoi je parle).

Alors comment te dire… Les gens ne savent pas (encore) lire dans l’esprit des autres !!! Même pas un tout petit peu ! Mieux, ils ne peuvent même pas deviner ce que tu penses.

Désolée mais non, le Mentalist ça ne marche pas dans la vraie vie !
Et ça vaut pour ton patron qui, en vérité, s’en moque un peu en réalité (il a déjà beaucoup à faire avec ses propres pensées). En fait c’est bien simple : si tu ne lui dis pas ce que tu attends, il est fort peu probable qu’il le réalise spontanément.

Et perso, je suis toujours partie du principe que lorsqu’un collaborateur ne manifeste pas sa volonté de changer sa situation actuelle, c’est qu’il est ok avec ladite situation.

Donc au lieu d’aller voir ton collègue (qui ne fera que t’aider à monter en charge) pour te plaindre et déverser ta colère et ta rancœur (productivité nulle : tu n’auras pas plus tes congés ou ton nouveau poste ou ton augmentation de salaire), parle à ton boss et fais lui part de ta position par rapport au point qui te tient à cœur. Au moins il saura désormais !


2.      Le sens du sacrifice n'est jamais valorisé au travail
Certains (beaucoup) d’entre nous, ont quelque peu tendance à jouer les martyrs (pas exprès) et à faire passer l’intérêt de l’entreprise ("hey yow[2], je ne peux pas demander d’augmentation maintenant, j’ai entendu un des Directeurs dire à Ablaye Ndiaye que les finances de la société étaient tendues en ce moment") avant le leur.

Surtout les femmes !

Là je sens que je vais déclencher une levée de bouclier, mais sérieux, regardons un peu les choses en face : les femmes craignent souvent (plus souvent que les hommes en tout cas) d’être cataloguées comme "autocentrées sur elles-mêmes" (ça rendait mieux qu’egocentriques) et de ne pas avoir l'esprit d’équipe. Elles se laissent aussi plus souvent submerger par le syndrome de l’imposteur (qui touche tout le monde, je le rappelle) et pensent qu’elles ne sont pas en position de demander ce qu’elles veulent car elles ne le méritent pas.

Résultat, nous (ben oui, je suis une femme) en faisons encore et toujours plus, pour "mériter" notre position. 

Sauf qu’à force de gérer plusieurs fronts à la fois (avec souvent un niveau d’exigence plus élevé que celui de sa hiérarchie), on finit par craquer, et c’est le burn-out ! 

Ce qui fera définitivement dire à BB (Big Boss) "ouh la, elle ne tient vraiment pas la pression, elle" (reconnaissance ? quelle reconnaissance ?)





Et devine qui aura une promotion (avec le salaire qui va avec) pendant ce temps ? Ablaye Ndiaye qui lui, aura pris le temps de faire sa promo personnelle auprès de BB pendant que tu te tuais à la tâche.

Bon déjà, laisse-moi te rappeler une chose : si tu es arrivée là où tu es, c’est que tu l’as mérité. A 100% ! Alors désormais, plus on te fera de demandes, plus tu en feras en retour. Voilà !

Et là, ça vaut pour tout le monde, hommes et femmes.

Faire passer tes besoins en haut de ta liste de priorité n’est pas égoïste, c’est juste la seule chose intelligente à faire. Donc on jette aux oubliettes notre côté martyr et on va chercher ce qu’on veut !


3.      Si tu ne dis pas clairement ce que tu veux, tu ne l’auras certainement pas
La vérité, c’est que l’on a rarement, voire jamais, plus que ce que l’on a eu le courage de demander. Tu me répondras que, dans ton cas, tu as déjà évoqué le problème de ta situation (augmentation, promotion, bureau individuel avec vue…) avec BB et qu’il connait donc précisément ta position. Huuuummm… c’est ce que tu crois.

Sais-tu qu’une des principales raisons pour lesquelles les demandes ne sont pas satisfaites en milieu professionnelle est le manque de compréhension de ce qui est attendu ?

Si, parce que tu as peur d’essuyer un refus, tu dilues ta demande, souvent sous forme d’allusions (ou de commentaire amusé) au milieu d’une conversation sur un tout autre sujet, j’ai une mauvaise nouvelle : les "allusions" ne donnent jamais le résultat que tu attends (au mieux elles passeront largement au-dessus de la tête de BB, au pire il aura l’impression que tu essaies de le culpabiliser et il t’en voudra).

Si tu ne veux pas être ignoré, tu devras être direct et explicite !
Donc tu définis ton objectif idéal (ce que tu veux vraiment comme résultat), tu prends ton courage à deux mains, et tu vas voir BB pour lui faire part de ta requête, calmement et de manière argumentée, comme quelqu’un qui est totalement conscient de sa valeur et qui n’en fait pas tout un plat.

Qui sait… tu pourrais bien obtenir ce que tu demandes !


4.      Un "Non" ne signifie rien de plus que "Non"
Bon, ne rêve pas trop : il est peu probable que tu sortes de là avec un oui franc et net… même si tu te tues au travail, ton patron ne te donnera pas forcément le poste que tu convoites.

Par contre, il est inutile de monter sur tes grands chevaux et de t’énerver devant BB sous prétexte qu’on ne reconnait pas ton travail dans cette boite (tu te rappelles, tu présentes ta requête de manière calme et argumentée…).

En résumé, quand BB te dit non, ne le prends pas comme un rejet personnel ; demande – calmement – ce qui motive son refus précisément, puis accepte gracieusement l’explication donnée et passe à autre chose.

Pourquoi agir ainsi ? Parce que d’une part tu blufferas totalement BB (qui te gardera ainsi à l’œil et qui pensera à toi dans les 3 mois pour une nouvelle mission (voire un poste) stratégique) et d’autre part tu sauras désormais où tu en es et tu pourras planifier ton plan d’action en conséquence… Hé hé hé, pas folle la guêpe !

……………………………………………………………………………

Tu l’auras compris, le problème principal que nous avons est que nous ne sommes pas habitués à demander ce que nous voulons. Nous avons tendance à considérer ces conversations comme "difficiles", mais la vérité, c’est qu’elles nous mettent simplement mal à l’aise car nous avons peur de ce qui pourrait arriver si nous partageons nos attentes.

Pourtant, d’expérience, je sais que même si tu n’as pas exactement ce que tu attends lorsque tu fais une demande, tu te retrouveras toujours avec plus que ce que tu aurais eu si tu n’avais rien demandé.

Alors oui bien sûr, la petite voix dans ta tête se posera toujours beaucoup de question et c’est tout à fait normal. Mais pour y arriver, accepte ce sentiment de malaise, organise tes pensées et plonge dans l’arène.

Entraine-toi à demander ce que tu veux et ça finira par devenir quelque chose de naturel. Et la bonne nouvelle, c’est que plus tu demanderas, plus les gens te diront oui !
 
Stratégie éprouvée pour avoir toujours ce que tu veux ! 




[1] Interjection pour renforcer une idée (en réalité je ne sais pas le traduire, donc je mets juste quelque chose)
[2] Expression qui exprime la commisération ou la mignonnitude absolue (selon le contexte) et qu’on peut traduire par « Ooooh » (je crois)


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